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Mexique: Lutte pour la libération des prisonnières et prisonniers politiques (Éric Tremblay, 1er juin).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prisonniers politiques au Mexique

Par Claude Rioux

Selon la Commission civile internationale d’observation des droits humains (CCIODH), il y aurait au moins une centaine de prisonniers politiques au Chiapas uniquement. La " transition démocratique " que l’on dit en cours dans ce pays laisse intact un des traits particulièrement intolérables du Mexique : la présence, dans les geôles mexicaines, de personnes incarcérées pour des " délits " commis dans le but de faire progresser des revendications sociales et politiques ou qui n’ont commis d’autre crime que d’avoir exercé le droit d’expression reconnu par la Déclaration universelle des droits humains.

 

Bien que des dizaines de communautés, de groupes et d’associations luttent tous les jours pour la libération d’un de leurs membres ou de leurs proches incarcéré injustement, il est difficile de mesurer l’ampleur du phénomène des prisonniers politiques pour l’ensemble du Mexique.

 

Le gouvernement fédéral n’admet leur existence que du bout des lèvres, pour en rejeter la responsabilité sur le régime antérieur, classant ainsi les prisonniers politiques au rang d’épiphénomène en voie de résolution. Cependant, bientôt deux ans après l’élection de M. Vicente Fox à la présidence, la Loi d’amnistie réclamée par l’ensemble des organisations travaillant sur le dossier n’a pas encore reçu l’appui formel du président.

 

Deux éléments ont contribué, au cours des derniers mois et des dernières semaines, à mettre la question des prisonniers de conscience au cœur de l’actualité nationale : d’abord, en décembre 2000, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) plaçait au centre de ces trois conditions (les señales) pour la reprise du dialogue la libération de tous les prisonniers zapatistes; puis, depuis le début du mois d’avril, un mouvement de grève de la faim a été lancé, largement suivi par les prisonniers politiques dans au moins 6 États.

 

La liste remise par les zapatistes au gouvernement comprenait les noms de 104 personnes. Dans les mois qui ont suivi, les démarches effectuées par les groupes de défense des droits humains et, dans une certaine mesure, par le gouvernement de l’État du Chiapas, ont permis la mise en liberté de 96 d’entre eux. Les huit prisonniers restants – certains se trouvent incarcérés dans d’autres États (Querétaro et Tabasco) d’autres sont accusé de crimes relevant de la " justice " fédérale – font actuellement l’objet de négociations entre les différentes dépendances des États et du gouvernement fédéral pour leur libération. Le problème demeure cependant presque entier puisque au cours des derniers mois, dix-sept nouveaux prisonniers zapatistes ont été incarcérés au Chiapas.

 

Ces chiffres n’incluent pas les prisonniers revendiqués par une dizaine d’autres organisations dans cet État uniquement. Par exemple, le Movimiento campesino regional independiente (MOCRI) revendique la libération de 13 de ses membres, incarcérés à Tuxla Gutiérrez depuis le 27 juillet. Ces derniers ont été en grève de la faim durant 14 jours au mois d’avril dernier. Également, la Organización campesina Emiliano Zapata – Cooordinadora nacional Plan de Ayala (OCEZ-CNPA) a bloqué des routes au Chiapas, le 6 mars 2002, pour exiger la libération de 5 prisonniers politiques membres de cette organisation.

 

Le mouvement de grève de la faim a été lancé en avril dans la foulée de la mobilisation des indigènes zapotèques de la région Loxicha, dans l’État de Oaxaca, lesquels ont entrepris une marche sur la capitale pour obtenir la libération de peurs proches. Les habitants de cette région, et particulièrement leurs représentants élus, sont l’objet d’une persécution systématique, accusés injustement d’appartenir à des organisations armées qui n’opèrent même pas dans la région (Ejército popular revolucionario, EPR et Ejército revolucionario del pueblo insurgente, ERPI).

 

Plus de cent cinquante personnes ont été emprisonnées depuis 1996. Le gouvernement de l’État de Oaxaca a adopté une loi d’amnistie applicable aux prisonniers dépendant de sa juridiction. Cependant, 24 habitants des Loxichas demeurent emprisonnés arbitrairement et seule une amnistie fédérale pourrait leur permettre de recouvrer leur liberté.

 

L’appel lancé par les indigènes de Oaxaca a été entendu dans toutes les prisons du pays. Dans les semaines qui ont suivi, d’autres prisonniers se sont mis en grève de la faim.

 

Érika Zamora, survivante du massacre de El Charco, perpétré par l’armée en 1998, s’est jointe au mouvement et observe un jeûne depuis le 9 mai. Cette jeune étudiante de l’UNAM, partie au Guerrero alphabétiser les paysans, avait 21 ans lorsqu’elle a été arrêtée par l’armée et torturée jusqu’à ce qu’elle " avoue " être une commandante de l’ERPI. Elle a été condamnée à huit années de prison ferme pour " incitation à la rébellion " – un crime qui n’existe pas dans le droit pénal mexicain!

 

Deux membres de l’ERPI se sont également joints au mouvement de grève de la faim. Il s’agit de Jacobo Silva Nogales (comandante Antonio) et de Gloria Arenas Agís (coronel Aurora). Les deux prisonniers admettent être membres de l’ERPI mais nient avoir commis les crimes qu’ils ont confessés sous la torture. Au moment d’écrire cet article, ils en sont respectivement à leur 31e et 14e journée de jeûne.

 

Les frères Cerezo, trois jeunes accusés de façon absolument farfelue d’appartenir à une organisation terroriste, sont également en grève de la faim depuis le 24 avril (il est impossible de savoir si et quand cette grève a pris fin. Accusés d’avoir posé des pétards dans des guichets automatiques d’une grande banque mexicaine (les pétards ont explosé un dimanche matin, sans faire d’autres victimes que quelques vitres brisées), ces trois frères dans la vingtaine ont été torturés et placés dans une prison de sécurité maximum où ils croupissent depuis bientôt un an. Leur avocate, Barbara Zamora, affirme que les autorités se servent des frères Cerezo comme otages dans l’espoir de capturer leurs parents, présumés membres de l’EPR.

 

Les grèves de la faim n’ont pas encore ébranlé la conscience du président Fox, lequel s’obstine à garder le silence sur cette question. Les mauvaises langues diront que M. Fox n’a aucun intérêt à ce que le voile soit levé sur cette injustice, dévoilant ainsi un système bien huilé de répression des luttes sociales qui, vu le programme politique et économique mis de l’avant par son régime, lui sera vraisemblablement d’une grande " utilité " dans l’avenir.

 

Le démembrement de cette machine à fabriquer des prisonniers obligerait M. Fox à sacrifier ses appuis au sein des appareils répressifs. Ces derniers sont coupables, en vrac, de fabrication de délits et de preuves, d’arbitraire dans les conditions de détention, de viol de garanties des accusés lors des interrogatoires et des procès, de sévices et mauvais traitements incluant la pratique systématique de la torture, sans nommer les exécutions extrajudiciaires et les " disparitions ". Tous des crimes commis par des fonctionnaires de l’État, dans l’exercice d’une " gestion " des crises sociales et politiques liées au modèle de développement et de domination, modèle que M. Fox et consort entendent non seulement perpétuer, mais approfondir…