Mexique : Lutte pour la libération des
prisonnières et prisonniers politiques.
Éric Tremblay. Mexico, le
premier juin 2002– Jeudi dernier, le
30 mai, furent libérés Ericka Zamora, étudiante de l’UNAM,
ainsi qu’Efren Cortez, tous deux ayant survécu au massacre de
El Charco en 1998. Cette libération est le résultat d’une
lutte acharnée de plusieurs organisations populaires, paysannes
et étudiantes, et s’inscrit dans une campagne plus large pour
la libération de tous les prisonniers et prisonnières politiques
du Mexique. Cet article se veut surtout un appel à la solidarité
de personnes ou d’organisations québécoises afin de renforcer
cette campagne.
Le
matin du 7 juin 1998, à El Charco, communauté indigène de l’état
de Guerrero, l’armée mexicaine encercle l’école du village où
dorment une quarantaine de personnes, demande à tout le monde de
sortir puis commence à tirer sur l’édifice. Parmi les
personnes présentes à l’intérieur se trouvaient alors des
paysans de El Charco et d’une communauté voisine, des
combattantEs de l’ERPI (Armée révolutionnaire du peuple insurgé)
qui étaient en visite dans la communauté, et trois étudiantEs
qui faisaient de l’alphabétisation dans la région. Parmi ces
étudiantEs se trouvait Ericka Zamora, étudiante en sociologie à
l’UNAM (Université Nationale Autonomme de Mexico), alors âgée
de 21 ans.
Le résultat de cette matinée
sanglante fut 11 personnes assassinées, la plupart alors
qu’elles étaient sorties de l’école les mains sur la tête
comme leur avait demandé les militaires, ces derniers tous
indemnes. Le camarade d’Éricka, aussi de l’UNAM, fut alors exécuté
d’une balle dans la tête. Vingt–deux survivantEs furent alors
détenuEs, dont Ericka et Efren Cortez, qui furent gardéEs illégalement
pendant plusieurs jours par les militaires, lesquelles les torturèrent
entre autre en leur appliquant des décharges électriques sur
tout le corps jusqu’à leur faire signer une déclaration
d’auto-inculpation "avouant " appartenir à
l’ERPI. Si les autres survivantEs furent peu à peu libéréEs,
Ericka et Efren furent enfermées pendant presque 4 ans,
c’est–à–dire jusqu’à jeudi dernier. Ericka, comme 40
autres prisonniers et prisonnières politiques, était alors en grève
de la faim depuis 20 jours.
La libération d’Ericka et
d’Efren n’est en rien un geste de bonne volonté du
gouvernement de Fox. C’est plutôt la fin d’une longue série
d’irrégularités que trois juges fédéraux se sont vu forcés
d’interrompre en raison des pressions populaires. D’abord, les
" confessions " des deux accuséEs avaient été
arrachées à l’aide de la torture (pratique généralisée pour
les cas de détenuEs suspectéEs d’être membres d’une guérilla),
ensuite le " port d’arme à usage exclusif de l’armée "
n’avait nullement été prouvé. Enfin, on accusait Ericka
" d’incitation à la rébellion ", ce qui au
Mexique ne constitue pas un délit. Donc, les juges ont reconnu
ces irrégularités et ont exigé la libération immédiate des
deux détenuEs.
À
sa sortie de prison, Ericka a déclaré que " ni les
barreaux ni la torture étaient des éléments qui devaient faire
oublier les principes et les convictions ". Le courage
de cette jeune femme est d’ailleurs presque légendaire. Un
ancien prisonnier politique, qui était détenu avec Ericka, m’a
raconté qu’un jour, lui, Ericka et 4 autres détenus politiques
étaient transféréEs en avion d’Acapulco jusqu’à une prison
à sécurité maximale du nord de la République. Pendant le
parcours, les agents fédéraux leur ont fait croire qu’ils
allaient les jeter en bas de l’avion, et pendant tout le trajet
ils les ont torturés. À chaque coup qu’Ericka recevait, elle
crachait au visage des policiers en leur criant : " Perros! "(Chiens!).
Ericka, à peine sortie, lutte déjà
pour faire arrêter les deux généraux responsables du massacre
de El Charco, mais aussi pour la libération des autres
prisonniers et prisonnières politiques, certains en grève de la
faim depuis plus de 40 jours. Certaines organisations (Front des
Organisations Démocratiques de l’état de Guerrero) et des
proches des victimes croient qu’il y aurait avantage à étendre
les pressions à l’étranger, et notamment au Québec. C’est
vrai que le gouvernement de Fox, qui n’a déjà plus grand
prestige au Mexique, présume beaucoup à l’étranger d’un
supposé grand changement démocratique, et qu’il se préoccupe
au plus haut point de ce qu’on y dit de lui. Il vient
d’ailleurs de vivre un autre revers avec le récent rapport
d’Amnistie Internationale sur les violations massives des droits
humains au Mexique.
Nous
ferons prochainement un site web sur les prisonniers et prisonnières
politiques avec une description en espagnol et en français (et en
anglais, si on a de l’aide…) de leur histoire, de leur
situation et des luttes en cours. L’étape suivante serait
l’organisation d’une délégation mexicaine en visite au Québec,
au Canada et aux États-Unis pour renseigner les gens sur les
luttes en cours. Enfin, des actions pourraient être organisées
dans ces trois pays en appuie aux prisonniers et prisonnières,
cela dépendra de vos initiatives.
Si vous voulez plus
d’informations, ou si vous voulez entrer en contact directement
avec les proches des détenues et les organisations qui luttent
pour leur libération, vous pouvez communiquer avec moi à
l’adresse suivante :
barricada01@hotmail.com
Veuillez S.V.P. diffuser cet
article aux personnes et organisations progressistes.
Éric Tremblay,
Collaborateur du Frente de
Organizaciones Democráticas del Estado de Guerrero (FODEG)
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